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"Ce n'est que lorsque l'homme sera parvenu au terme de la connaissance de toutes choses qu'il pourra se connaître lui-même. Car les choses ne sont que les frontières de l'homme." F. Nietzsche

dimanche 2 décembre 2012

La Chair et le Sang

Quand on connaît un peu les thèmes habituels de Verhoeven, on se dit que le Moyen-Age, ça doit être sa période de prédilection. Et ce n'est pas un hasard si ce film est une de ses plus grosses réussites, et un des films préférés des fans du cinéaste.
La Chair et le Sang. Tout le film est contenu dans ces deux termes.

La Chair :
_ chair à canon, pour commencer. Le film s'ouvre sur une scène de guerre. Le Seigneur Arnolfini a engagé de nombreux mercenaires pour prendre une ville. L'occasion pour Verhoeven de faire une scène d'ouverture comme on en voit peu. Tout est dit en quelques images.
On sait que, chez le cinéaste hollandais, la violence est inhérente à l'homme. Alors, forcément, la guerre, c'est le déchaînement de tous les instincts humains, dans ce qu'ils ont de plus bas. Violences diverses et souvent gratuites, massacres, pillages, viols, tout y passe. Et Verhoeven ne nous cache rien de cet étalage de la bestialité humaine.
Arnolfini, une fois qu'il aura obtenu ce qu'il veut (la ville et ses richesses) va se retourner contre ses mercenaires et les pourchasser (voire même en tuer quelques uns).
_ les plaisirs de la chair (et d'autres plaisirs qui les accompagnent) : quand ils ne combattent pas, les mercenaires survivants, dirigés par Martin (Rutger Hauer), se livrent aux plaisirs de la chair. L'amour physique est très présent dans le film. Mais les relations hommes-femmes sont filmées comme des combats. Là aussi, il s'agit d'une guerre, dont l'objet est la domination sur l'autre. La conquête amoureuse prend tout son sens.
A voir, pour s'en convaincre, la fameuse scène du viol d'Agnès (Jennifer Jason Leigh, pas si virginale qu'elle en a l'air pendant le film) par Martin. Scène où "l'abuseur" sexuel n'est pas finalement celui auquel on pense.

Le Sang :
_ le sang du Christ : dès la scène d'ouverture, le rôle de la religion est dénoncé. Et il le restera pendant toute l'oeuvre. La religion comme soutien du pouvoir politique dans tout ce qu'il a de plus brutal. L'hypocrisie religieuse, qui consiste, pour le clergé, à être toujours du côté du vainqueur potentiel. La religion qui permet de justifier le massacre et les pires exactions.
Le personnage du prêtre est un des plus chargés du film (mais aucun personnage n'est innocent ici). Plus ridicule que sournois, il sait quand même manipuler son monde en abusant de la superstition des mercenaires, tous d'origine populaire. L'affaire de la statue de Saint Martin est presque un running gag : la statue glisse d'un côté, c'est donc que le Saint désire que l'on aille par là.
Cependant, Verhoeven est trop subtil pour sombrer uniquement dans la critique à courte vue. Bien des fois, à travers quelques scènes spécifiques, il sait créer une légère ambiance où le surnaturel n'est pas loin.
_ à feu et à sang : les conséquences de la guerre dépasse largement le seul cadre des combattants. Tout semble perverti par l'abomination et l'immoralité. Un paysage idyllique révèle vite des cadavres pourrissants. Même l'enfance est pervertie : le jeune garçon qui assiste aux viols et les encourage en est un bel exemple. C'est la description de tout un monde de pourriture morale (qui se veut le monde chrétien, le sommet de la morale, le parangon de l'humanité).
Même l'intelligence est pervertie. Arnolfini fils paraît être l'intello de la famille, fasciné par les projets de Leonard De Vinci. Mais même cette intelligence ne peut rien : quand le sang coule, il se laisse aller à la bestialité lui aussi. On ne peut rien contre ses instincts.
_ empoisonnement du sang : la peste vient compléter le tableau de ce Moyen-Age sombre (un Moyen-Age revu par le cinéaste pour qu'il puisse correspondre à sa vision du monde, bien sûr). Un épidémie qui intervient comme une punition divine contre la bestialité humaine, mais aussi contre l'aveuglement religion. Scène révélatrice : un médecin refuse de soigner correctement la peste, sous prétexte que la méthode curative vient des Arabes, donc des infidèles.

Verhoeven signe un grand film, passionnant de bout en bout, violent, brutal, mais où l'ironie a une place importante. Aucun héros, uniquement une foule de personnages pervertis et s'enfonçant dans la fange de l'immoralité. Et des victimes.

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