Citation

"Ce n'est que lorsque l'homme sera parvenu au terme de la connaissance de toutes choses qu'il pourra se connaître lui-même. Car les choses ne sont que les frontières de l'homme." F. Nietzsche

mardi 6 juillet 2010

Rumeurs

Les rumeurs sont terribles. Elles tiennent souvent en une seule phrase, sont invérifiables et frappent suffisamment l'imagination pour laisser une trace durable dans les mémoires.

La rumeur est une formidable arme politique. Dès qu'une d'entre elle apparaît contre un personnage public, il est presque automatiquement condamné. Pas par un magistrat, mais par l'opinion (et une partie des "journalistes" qui ne font que se calquer sur cette opinion). Plus il va essayer d'en sortir, plus il va justifier la rumeur. C'est comme du sable mouvant. Ceux qui s'en sortent ont mis des années pour réussir (au prix, bien souvent, d'un passage au placard).

En fait, il faut quelques secondes pour lancer une petite phrase, et il faut, dans le meilleur des cas, des heures complètes pour la réfuter et prouver qu'elle est fausse.

Prenons un exemple, une petite phrase devenue slogan politique il y a quelques années : "trois millions d'immigrés, trois millions de chômeurs". Bien entendu, c'est parfaitement idiot. N'importe qui ayant un peu de réflexion et de recul se rendra compte, sans le moindre problème, que si on expulse les immigrés, cela ne donnera pas pour autant du travail aux "français" (au contraire, cela risque d'affaiblir encore des entreprises et de multiplier les fermetures diverses). Cependant, il a fallu quelques secondes aux militants d'extrême droite pour énoncer une telle bêtise, mais pour prouver que c'est une idiotie, il faut élaborer tout un discours agrémenté de chiffres et de données statistiques, tout ce qu'il faut pour endormir les spectateurs.

Car la rumeur a une autre conséquence : ses effets dépassent largement la seule personne visée. Un médecin est attaqué et vous entendrez tout le monde affirmer que tous les médecins sont pourris ("sauf le mien, qui est bien, lui").

Car la rumeur réveille en chaque personne la fibre du "complot". Bien entendu, "on nous ment". Evidemment, la gauche, la droite, c'est "la même chose". Combien de fois avons-nous entendu (voire prononcé nous-même, avouons-le) ces éditoriaux de brasserie ?

Attention, il ne s'agit pas d'être naïf : en politique, on ne peut pas arriver à un haut niveau de responsabilité sans sacrifier quelques personnes autour de soi. Mais l'idée d'un "tous pourris" est insultante pour de nombreuses personnes.




En conclusion, je pense qu'Eric Woerth est foutu. Qu'il soit coupable ou innocent importe peu. C'est même l'aspect le moins intéressant du problème. Il est foutu pour deux raisons : d'abord parce qu'il va servir de fusible pour protéger Sarkozy lorsque l'enquête tournera trop près de l'Elysée. Ensuite, parce que les rumeurs s'acharnent sur lui. Même si des enquêtes parfaitement indépendantes l'innocentent de tout, le mal de la rumeur est éjà trop imprégné dans l'opinion : on croira à des pressions de l'Elysée pour étouffer l'affaire. C'est le grave problème des théories du complot : quand on prouve qu'elles ont tort, les gens continuent à penser qu'elles ont raison et que nous mentons. C'est, là aussi, une forme de totalitarisme.