Citation

"Ce n'est que lorsque l'homme sera parvenu au terme de la connaissance de toutes choses qu'il pourra se connaître lui-même. Car les choses ne sont que les frontières de l'homme." F. Nietzsche

jeudi 6 septembre 2012

La Fabrique du Crétin (fin)

"C'est que vers la fin des années 70, après les deux chocs pétroliers, après l'explosion du chômage, un système pervers s'est mis en place, où le nom, les relations, le réseau, comptent lus que le talent. Et l'école, sous prétexte  de "démocratisation", a mis en place un système parallèle qui a bloqué l'ascenseur social. Les élèves que l'on pousse au Bac ne font que "monter plus haut dans l'échelle des illusions", comme disait Vallès. Lorsque l'école n'apprend plus rien, les inégalités sociales se perpétuent tranquillement - ce qui fait l'affaire de cette poignée de privilégiés de toutes farines qui bloquent le renouvellement." (page 197)

"L'école, en destituant le savoir, en laissant les problèmes de la cité envahir le sanctuaire, sous prétexte de s'ouvrir au monde, en "respectant" toutes les opinions, comme si elles étaient toutes respectables, en dévalorisant le travail, en bannissant l'autorité, a condamné à la rue tous ceux qui en viennent." (page 199)

Fabrique du Crétin (2)

Le Bac ?
"Il faut enfin dévoiler aux parents le secret le plus mal gardé de l’Éducation Nationale : si l'on mettait aux élèves de terminale les notes effectivement portées sur les copies, le taux de réussite ne dépasserait pas 50%. Et si on laissait les correcteurs libres de sanctionner en leur âme et conscience, il tomberait probablement à 20% - ce qu'il était dans les années 60" (page 128)

Les notes ?
"Aujourd'hui, une mauvaise note doit impérativement être compensée par une bonne note, obtenue par un exercice plus facile que le précédent. Croyez-vous que les élèves soient dupes ? Croyez-vous qu'ils ne sachent pas qu'on ne les note pas à leur valeur - qu'on achète leur silence, en quelque sorte ? Un conseil de classe est un exercice trimestriel qui vise à entériner le pré-formatage de l'administration : tant d'élèves à tel niveau, et tant dans telle section. On ne fera pas redoubler celui-ci, parce qu'il pratique une langue rare, et que son absence au niveau supérieur désorganiserait le service. Celui-là a déjà redoublé, et c'est, paraît-il, pour cette raison qu'il s'acharne à ne rien faire : qu'il passe !" (page 129)

A-t-on besoin de culture ?
"Un peuple sans philosophie absorbera tous les prêts-à-penser que le marché voudra leur faire avaler. Répudiez Socrate et Spinoza, il vous restera toujours Ron Hubbard (...).
Les peuples qui aujourd'hui ont les systèmes éducatifs les plus performants, en particulier en Asie, sont accrochés bec et ongles à leur culture? Est-ce un hasard ? Ils sont entrés bien avant nous dans le IIIème millénaire, une main sur le clavier, l'autre sur le sabre du samouraï ou le pinceau à calligraphier." (page 151)

L'histoire ?
"Peu avant [la révolution] de 1848, [Edgar Quinet] fut suspendu de cours au Collège de France, en même temps que Michelet : les régimes moribonds s'en prennent volontiers aux historiens - aux enseignants de façon générale. Le capitalisme n'est pas le grand vainqueur qu'il prétend être : il en est à avoir peur de la mémoire. En tout cas, il cherche par tous les moyens à l'abolir. On n'interdit plus aux historiens d'exercer : on supprime leur enseignement" (page 152)

La fabrique du Crétin

Voici quelques extraits du très bon livre de Jean-Paul Brighelli, La Fabrique du Crétin, paru en 2005.

Au lieu d'un lieu de savoir, on a voulu faire de l'école "un lieu de vie", où les élèves se sentiraient bien, où ils pourraient se retrouver entre eux, s'amuser (mais où, bien entendu, ils n'auraient pas à travailler).
"Lieu de vie... Quelle vie le pédagogisme leur prépare-t-il, à ces adolescents avachis, neurones en panne, sans appétence ni compétence, victimes du système, déjà fatigués d'être avant d'avoir été, et que l'école, au lieu de les élever au sens le plus noble et le plus strict du mot, entretient dans leur marasme en refusant de leur donner matière(s) à réfléchir ? laissés aux portes de la pensée, trahis par l'institution, sans désir ni révolte, ils seront les braves petits soldats du libéralisme triomphant et de la social-démocratie molle, pain béni pour les confédérations patronales et les partis qui les soutiennent, à droite comme à gauche." (page 51)

Le collège unique, pour donner sa chance à tous les élèves ? Poudre aux yeux, voire même mensonge évident :
"Aux défis que posait la mixité sociale, le "collège unique" imposé par la réforme Haby (1975) n'a trouvé que deux solutions. Soit, dans quelques établissements triés sur le volet, et protégés par une carte scolaire aussi ingénieuse qu'une carte électorale, l'absence de mixité sociale. Le succès du quatuor infernal Henri IV/Louis-le-Grand/Fénelon/Saint-Louis, ce n'est pas à des enseignants plus aptes que les autres que nous le devons, mais aux prix de l'immobilier entre les Vème et VIème arrondissements de Paris.
C'est sans doute ce que l'on appelle la lutte contre les inégalités.
Soit, ailleurs, le grand ailleurs des campagnes et des banlieues abandonnées, la baisse générale des exigences. mettons-nous au niveau de ces "nouvelles populations"? Ce faisant, on enclenche une spirale négative, où la baisse des exigences entraîne non une hausse, mais une baisse des résultats, et, en corollaire, une désaffection des jeunes pour cette école qui, à force de leur parler leur langue, ne leur apprend plus rien." (pages 78 et 79).