Citation

"Ce n'est que lorsque l'homme sera parvenu au terme de la connaissance de toutes choses qu'il pourra se connaître lui-même. Car les choses ne sont que les frontières de l'homme." F. Nietzsche

vendredi 10 décembre 2010

Hiver 1918-1919

"Je ne me sentais pas d'aise, j'étais rentré dans mes foyers. Nous avions tous perdu notre position, notre rang, notre maison, notre argent, notre valeur, notre passé, notre présent, notre avenir. Chaque matin en nous levant, chaque nuit en nous couchant, nous maudissions la mort qui nous invités en vain à son énorme fête. Et chacun de nous enviait ceux qui étaient tombés au champ d'honneur. Ils reposaient sous la terre. Au printemps prochain, leurs dépouilles donneraient naissance aux violettes. Mais nous, c'est à jamais inféconds que nous étions revenus de la guerre, les riens paralysés, race vouée à la mort, que la mort avait dédaignée. La décision irrévocable de son conseil de révision macabre se formulait ainsi : impropre à la mort."
Jospeh Roth
La Crypte des Capucins

mardi 7 décembre 2010

Eté 1914

"Je dis que cette angoisse était inexplicable, précisément parce que alors elle nous paraissait inexplicable. Nous en cherchions l'explication dans le fait que nous étions trop jeunes pour négliger nos nuits. Cependant, et je ne l'ai compris que plus tard, nous avions surtout peur des jours, ou plus exactement du matin, le moment le plus clair de la journée. Celui où l'on voit les choses nettement, où l'on est vus nettement aussi. Et nous ne voulions ni voir ni être vus nettement."
Joseph Roth
La Crypte des Capucins

samedi 9 octobre 2010

Pornographie ?

Cette semaine, l'exposition consacrée aux photographies de Larry Clark a été officiellement interdite aux moins de 18 ans (ce qui signifie, par ailleurs, que l'immense majorité des protagonistes présents sur ces clichés n'auraient pas eu le droit d'entrer dans le musée).
Raison invoquée : pornographie.
Il est largement temps de poser la question : où commence la pornographie ?

"La pornographie, c'est quand on voit des gens nus". Ah bon ? Alors, le David de Michel-Ange est une œuvre pornographique ? Autant interdire tous les musées de France, de Navarre et de l'étranger et les transformer en ateliers de calligraphie !

"Dans la pornographie, les positions sont suggestives". Même remarque. Avez-vous déjà vu des tableaux de Balthus ? Des jeunes filles dénudées, manifestement mineures, dans des poses provocantes.

"Mêmes les pornographes prétendent qu'ils font de l'art". Voilà une juste remarque. Mais n'importe qui est capable de faire la distinction entre une œuvre pornographique et une véritable œuvre d'art.
Il faut rappeler que le but essentiel (le but unique) de l'œuvre d'art, c'est l'enjeu esthétique. Ce jugement est une généralisation bien troip simpliste, évidemment, mais tout le monde peut admettre sans difficulté que cet aspect esthétique est totalement absent des films, photos, dessins ou livres pornographiques.

La dernière remarque est peut-être la plus pertinente : "certains artistes reconnus font de la pornographie". L'acte sexuel est présent, de façon implicite ou explicite, dans de nombreuses œuvres. Des adolescentes de Rimbaud se masturbent. Zola décrit les rapports sexuels avec beaucoup de brutalité. Mais, là aussi, cela s'intègre dans un projet artistique et esthétique.
Par contre, quand on regarde un film de Catherine Breillat, on ne peut que remarquer que la "forme artistique", quasiment nulle, n'est qu'un vague prétexte aux scènes pornographiques.

jeudi 23 septembre 2010

Artistes

Pour bien connaître une culture, il faut fréquenter ses artistes de deuxième classe. Je ne sais plus vraiment qui a dit cela, mais c'est particulièrement vrai. Quelqu'un qui n'a lu que Dostoievski, Tolstoï et les grands classiques russes ne connaît pas la Russie. Pourquoi ?

Parce que notre conception du grand artiste est basée sur l'idée de rupture. De nos jours, pour nous, Occidentaux, le grand artiste est celui qui ne respecte pas les règles normales (dans tous les sens de l'adjectif), qui échappe aux habitudes culturelles pour créer son propre univers, ses propres règles et (bien souvent) son propre langage (voir Rimbaud ou Queneau). Ainsi donc, Robbe-Grillet, Proust, Céline ou d'autres ont créé un monde qui leur est unique. C'est même à cela que l'on reconnaît l'œuvre d'un artiste : un monde qui lui est totalement personnel et qu'il complète au fil des textes, films ou compositions.
Baudelaire avait introduit en poésie des thèmes qui étaient alors interdits. Rimbaud avait créé un nouveau langage et la poésie devenait une quête de la vérité (même monstrueuse) et de la liberté (même insupportable). Les textes de Zola ou de Balzac nous emportent dans un monde cohérent où tout est signifiant, où les noms et la description des personnages nous informent sur leur psychologie etc.

Cet intérêt pour les artistes en rupture est récent et culturel. Au Moyen-Age, bien au contraire, la norme était dans la disparition de l'artiste au profit de l'œuvre. Il fallait imiter, pas innover. Si tant d'œuvres médiévales sont anonymes, ce n'est pas parce que l'on a perdu le nom de leurs auteurs, mais bien parce qu'on ne l'a jamais su. Ils se sont cachés, effacés.

Barthes a bien compris cette importance des auteurs de seconde zone (auteurs de polars ou de romans à l'eau de rose, que l'on qualifie généralement de "romans de gare"). Par exemple, le livre Poétique du Récit (édition Seuil) réunit quatre contributions théoriques sur l'analyse des récits. Trois des auteurs nous parlent de Joyce, Balzac, Henry James ou d'autres classiques. Barthes ne mentionne presque que James Bond de Ian Fleming (en particulier Goldfinger). Peut-être y-a-t'il plus de leçons à tirer dans cette littérature que dans l'autre. Peut-être par refus d'une hiérarchisation. Sûrement aussi pour nous rappeler que l'essentiel des œuvres écrites ne sont pas des futurs grands classiques mais de simples divertissements (ce qui est déjà beaucoup).

jeudi 12 août 2010

Art Mengo

Les chansons d'Art Mengo sont fascinantes. L'artiste reste égal à lui-même, sans changer son style musical mais sans jamais se répéter non plus. C'est élégant, subtil, poétique, intelligent, émouvant. Et ses paroles contiennent quelque chose de mystérieux, ces énigmes que l'on voudrait comprendre : comment fait-il pour parler de choses si prosaïque avec un tel lyrisme et en employant des mots simples ? Comment fait-il pour nous emmener dans de telles hauteurs poétiques sans avoir l'air de se forcer ?
Car Art Mengo nous parle de choses simples : la séparation par exemple. "Et ce dernier baiser que je ne t'ai pas donné finira par sécher comme une fleur coupée... Elle ne me feront plus mal dans deux millions d'années ces deux petites larmes que je t'ai vu verser."
Un peu de mélancolie ? "C'est comme être à l'abri quand il pleut et que le gouttes font du bruit en mieux. Envie de filer comme des goélands, quitter la jetée tout doucement. C'est, à la fin du jour, être deux à trouver le temps trop court : tant mieux ! L'occasion rêvée d'aller au vent pour sentir claquer ses sentiments. Ce soit mon cœur ultra-marine, à force de rester dans le vague et danse danse la Madrague."
La poésie... "Il a peint sur ses toiles en bleu, du bout des doigts, des bidons pleins d'étoiles qu'il balance sur les toits."
"La mer n'existe pas, elle va sur nos croyances, de l'aube jusqu'à l'errance comme un vaisseau sans mât."
Un artiste. Un grand artiste qu'il faut savourer.

lundi 9 août 2010

Hippies et croyants

La Sibérie était auparavant le lieu où l'on allait contraints et forcés. C'était la déportation, le bagne, les campagnes de repeuplement forcé... Mais maintenant, de nombreux Russes (et des étrangers également, notamment Allemands) se rendent en masse dans la petite commune de Petropavlovka, dans la République de Bouratie, à la frontière Nord de la Mongolie. Pour y rencontrer le Christ.
Il apparaît là-bas sous les traits d'un ancien policier. Il s'appelle Sergueï et vit surtout dans la montagne. Autour de lui s'est formée une communauté mi hippie mi chrétienne. On prie, on écoute les sermons, on mène une vie "saine" et "sainte". Les fidèles refusent le modernisme : pas d'électricité, pas de voitures, des maisons construites uniquement en bois par leurs occupants, des repas constitués de légumes du jardin. Bien entendu, les icônes sont partout, mais on pratique également des rituels qui relèvent du paganisme le plus ancien : culte de la nature, de la forêt, des rivières, etc.
Mélange syncrétiste de mysticisme, de new age et d'utopie hippie. Image d'une Russie toujours profondément religieuse, parfois jusqu'à la superstition, mais qui ne sait plus forcément de quel côté il faut regarder. Un fait est significatif : les dirigeants de cette communauté sont d'anciens employés de l'état.
Pour plus d'informations, voir le numéro 11 du magasine XXI, qui consacre un reportage photo sur cette communauté.

jeudi 5 août 2010

Grands espaces

Ce siècle nous parle sans cesse de la destruction de la planète. Jamais elle nous a semblé si petite ni si fragile. Et ce n'est pas un hasard.
Jusqu'à une époque récente, il restait encore des terra incognita. On découvrait encore des terres, des peuples, des cultures... Les gens cultivés et curieux (c'est-à-dire, bien souvent, les privilégiés) se passionnaient pour les expéditions, les aventures lointaines, etc. L'une des femmes les plus célèbres du XXème siècle reste encore Alexandra David-Néel, cette extraordinaire aventurière qui a passé des années au Tibet, entre expéditions et étude de la culture tibétaine dans des monastères.
Pendant longtemps, l'autre grande personnalité du siècle précédent fut Jacques-Yves Cousteau. Ce n'est, à mon avis, pas dû à la sympathie du personnage ni à ses engagements, mais bien plutôt à ses exploits.
De nos jours, nous avons l'impression de ne plus avoir d'aventuriers. Et on croit, à tort, connaître toute la Terre. Mais il reste des terres vierges.
Je suis fasciné par les déserts. Pas forcément les grands lieux sablonneux : je parle des grands espaces qui ne sont pas peuplés. D'où mon admiration pour la Russie : quoi de plus attirant qu'un pays dont une grande partie du territoire est presque vide.
J'ai eu la chance d'effleurer le Sahara, il y a presque vingt ans, et je n'en suis toujours pas remis. C'est exceptionnel !
Lorsque l'on vit cela, on comprend peut-être mieux la différence entre le nécessaire et le superflu. Vivre dans de tels lieux vous oblige à vous replier sur le strict minimum vital, vous ne pouvez pas vous permettre d'avoir des exigences luxueuses. Vous redécouvrez donc que chaque geste nécessaire a une importance capitale.
Nous, Occidentaux, avons besoin des déserts. Des grands espaces vides. Pour nous rappeler que c'est la nature qui domine la Terre. Pour nous remettre à notre juste place. Pour nous redonner cette modestie que nous avons un peu tendance à oublier.

mardi 6 juillet 2010

Rumeurs

Les rumeurs sont terribles. Elles tiennent souvent en une seule phrase, sont invérifiables et frappent suffisamment l'imagination pour laisser une trace durable dans les mémoires.

La rumeur est une formidable arme politique. Dès qu'une d'entre elle apparaît contre un personnage public, il est presque automatiquement condamné. Pas par un magistrat, mais par l'opinion (et une partie des "journalistes" qui ne font que se calquer sur cette opinion). Plus il va essayer d'en sortir, plus il va justifier la rumeur. C'est comme du sable mouvant. Ceux qui s'en sortent ont mis des années pour réussir (au prix, bien souvent, d'un passage au placard).

En fait, il faut quelques secondes pour lancer une petite phrase, et il faut, dans le meilleur des cas, des heures complètes pour la réfuter et prouver qu'elle est fausse.

Prenons un exemple, une petite phrase devenue slogan politique il y a quelques années : "trois millions d'immigrés, trois millions de chômeurs". Bien entendu, c'est parfaitement idiot. N'importe qui ayant un peu de réflexion et de recul se rendra compte, sans le moindre problème, que si on expulse les immigrés, cela ne donnera pas pour autant du travail aux "français" (au contraire, cela risque d'affaiblir encore des entreprises et de multiplier les fermetures diverses). Cependant, il a fallu quelques secondes aux militants d'extrême droite pour énoncer une telle bêtise, mais pour prouver que c'est une idiotie, il faut élaborer tout un discours agrémenté de chiffres et de données statistiques, tout ce qu'il faut pour endormir les spectateurs.

Car la rumeur a une autre conséquence : ses effets dépassent largement la seule personne visée. Un médecin est attaqué et vous entendrez tout le monde affirmer que tous les médecins sont pourris ("sauf le mien, qui est bien, lui").

Car la rumeur réveille en chaque personne la fibre du "complot". Bien entendu, "on nous ment". Evidemment, la gauche, la droite, c'est "la même chose". Combien de fois avons-nous entendu (voire prononcé nous-même, avouons-le) ces éditoriaux de brasserie ?

Attention, il ne s'agit pas d'être naïf : en politique, on ne peut pas arriver à un haut niveau de responsabilité sans sacrifier quelques personnes autour de soi. Mais l'idée d'un "tous pourris" est insultante pour de nombreuses personnes.




En conclusion, je pense qu'Eric Woerth est foutu. Qu'il soit coupable ou innocent importe peu. C'est même l'aspect le moins intéressant du problème. Il est foutu pour deux raisons : d'abord parce qu'il va servir de fusible pour protéger Sarkozy lorsque l'enquête tournera trop près de l'Elysée. Ensuite, parce que les rumeurs s'acharnent sur lui. Même si des enquêtes parfaitement indépendantes l'innocentent de tout, le mal de la rumeur est éjà trop imprégné dans l'opinion : on croira à des pressions de l'Elysée pour étouffer l'affaire. C'est le grave problème des théories du complot : quand on prouve qu'elles ont tort, les gens continuent à penser qu'elles ont raison et que nous mentons. C'est, là aussi, une forme de totalitarisme.

mardi 29 juin 2010

Le Troisième Homme

Il s'agit d'un film de 1949. Très beau visuellement, en noir et blanc avec des images fortement contrastées. L'interprétation est très bonne. Seul défaut : le manque de rythme. L'histoire est un peu ennuyeuse à certains moments. Le scénario a quand même un grand intérêt historique : il nous rappelle que l'Autriche était divisée en zones au sortir de la guerre, comme l'Allemagne. Enfin, il y a la musique d'Anton Karas, formidable.


Il y a deux grands moments : l'apparition d'Orson Welles, qui semble émerger de l'ombre d'une porte comme un être surnaturel, un fantôme ou un démon.


L'autre grand moment se déroule sur une grande roue. Orson Welles parle à Joseph Cotten et lui donne un formidable cours de cynisme géopolitique :

"L’Italie sous les Borgia a connu 30 ans de terreur, de meurtres, de carnage... Mais ça a donné Michel-Ange, de Vinci et la Renaissance. La Suisse a connu la fraternité, 500 ans de démocratie et de paix. Et ça a donné quoi ? ... Le coucou !"

jeudi 24 juin 2010

Zeuxis

Non, Zeuxis n'est pas le nom d'une maladie ni une insulte en langue étrangère.

Zeuxis était un peintre. Un des plus grands peintres de l'Antiquité.

Il était Grec et a vécu au Vème siècle avant notre ère. Ses œuvres étaient si ressemblantes, si réalistes que, un jour qu'il a peint des raisins, des oiseaux auraient essayé de les picorer.

Il est devenu une référence pour les artistes à travers les âges. La preuve, un des très nombreux autoportraits de Rembrandt le représente en un Zeuxis imaginaire (Autoportrait en Zeuxis, 1669).

Pline l'Ancien (Histoire Naturelle, XXXV, 36) a raconté que Zeuxis avait peint un athlète, puis avait marqué : "cette peinture sera plus facile à critiquer qu'à imiter".

mercredi 23 juin 2010

Pléonasme

Cherchons une définition du pléonasme. Le Trésor de la Langue Française nous dit : "terme ou expression qui ajoute une répétition (consciente ou inconsciente) à ce qui a été énoncé".
Bon, d'accord. Avec un exemple, c'est plus simple : "monter en haut" ou "descendre en bas" sont les classiques. Mais on en trouve beaucoup d'autres, dont certains sont parfaitement logiques ("il neige dehors").
En étant bien attentif, on se rend compte que tout le monde en emploie. Ecoutez les politiques, les journalistes, les présentateurs : "au jour d'aujourd'hui" : pléonasme. "Notre but ultime" : pléonasme. "Prévoir à l'avance" : pléonasme.
Vous en trouverez une liste très intéressante à cette adresse http://monsu.desiderio.free.fr/atelier/pleonasmes.html
J'en propose d'autres qui peuvent faire réfléchir : "L'art et la littérature". Mais la littérature, c'est un art.
"Racisme et antisémitisme". Mais l'antisémitisme est du racisme. Il n'y a aucune raison de distinguer les deux idéologies. Tous les antisémites sont forcément racistes (l'inverse n'est pas toujours vrai, mais très souvent quand même). Cette distinction est fondée sur un a priori accepté par beaucoup : le raciste est contre les Noirs, les Asiatiques et les Arabes, l'antisémite est contre les Juifs.
Cette coupure est basée sur plusieurs erreurs. Tout d'abord, on peut être Juif et Noir (ou Chinois, ou Arabe). Etre Juif, c'est une religion, non une appartenance ethnique.
Ensuite, le peuple arabe est sémite. Par conséquent, un crime contre des Arabes est un crime antisémite. Donc raciste. (Il faut le rappeler, pour tous ceux qui continuent à penser que les Arabes peuvent être antisémites : c'est une contradiction dans les termes, ils ne peuvent pas être contre eux-mêmes)
Enfin, faire cette distinction risque d'entraîner une hiérarchisation des crimes : attaquer des Juifs parce qu'ils sont Juifs serait-il plus ou moins grave qu'attaquer un Chinois parce qu'il est Chinois ?
La réponse est évidente et ces crimes restent également intolérables.
Donc, pour le bien de la langue française et de notre représentation du monde, parlons simplement de racisme sans faire de distinction.

Pompidou à Metz

Le nouveau Centre Pompidou de Metz propose une exposition passionnante. Le but est de réflèchir sur ce qu'est une œuvre d'art. Quelle est la définition d'une œuvre d'art ?

Le XXème siècle a complètement bouleversé la façon de concevoir une œuvre d'art. Finalement, ce n'est plus l'œuvre elle-même qui importe, c'est l'artiste et son travail. On change la façon de peindre, on explose des artistes eux-mêmes, on fait même "travailler" des passants.

Klein demandait à des femmes nues de s'enduire de peinture bleue (SA peinture, portant son nom, International Klein Blue) et de se rouler sur une toile.

Bien entendu, le premier réflexe, c'est de dire : n'importe qui peut faire ça. Est-ce de l'art ?

Guernica, de Picasso, est un des chef d'œuvre du XXème siècle. Mais sa reproduction, est-ce encore de l'art ?

Les statuettes africaines ont été fabriquées dans un but religieux. Peut-on alors en parler comme d'une œuvre d'art ?

Le Dripping de Pollock (laisser simplement couler de la peinture sur une toile, voir exemple ci-dessous), est-ce de l'art ?

Et, pour ne citer que cela, est-ce que les installations, comme celles de Jean Tinguely ou Ben, sont des œuvres d'art ?

Il est évident que mon but n'est pas d'apporter des réponses.

Cette place primordiale donnée à l'artiste a nettement changé la conception que l'on se fait d'une œuvre d'art. On ne regarde pas un tableau, on regarde un Dali, un Picasso ou un inconnu. Et tout change à partir du moment où on connaît le nom de l'auteur du tableau, du poème ou de la musique.

Si on découvrait que le tableau ci-dessus, au lieu d'être signé Pollock, était attribué à un parfait inconnu, serait-on aussi fasciné ? Serait-il exposé dans un musée ?

Certains se sont amusés et on bien profité de cette attirance pour les artistes. Que dire de l'attitude de Dali, qui jouait constamment avec sa réputation et son image ?

Que dire de cette "œuvre" exposée au Centre Pompidou de Metz, une petite boîte de conserve contenant, si on en croit l'étiquette, de la "merde d'artiste" ? Simple provocation inutile ? Certains vont crier qu'on se moque d'eux. N'empêche que c'est très significatif de cette exposition : nous faire réfléchir sur notre conception de l'art, nous questionner sur les fondements de notre jugement artistique et nous emmener à le réviser. Eventuellement.