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"Ce n'est que lorsque l'homme sera parvenu au terme de la connaissance de toutes choses qu'il pourra se connaître lui-même. Car les choses ne sont que les frontières de l'homme." F. Nietzsche

mardi 27 novembre 2012

Le carrefour de la mort

Voilà un film typique de la production de la 20th Century Fox dans les années 40. ça se présente comme un film noir, mais ça dépasse largement le genre. Au point que ceux qui attendraient un film noir traditionnel risquent d'être déçus.
D'emblée, l'enjeu social est posé. New York en période de Noël. Le paradis des achats en tous genres. Mais quand on n'a pas assez d'argent pour combler ses enfants, quand on sort de prison et que tous les emplois pour lesquels on postule sont refusés à cause de ce passé, alors on renoue avec ses anciennes connaissances. C'est ce qui arrive à Nick Bianco (Victor Mature), qu'on voit, dès la scène d'ouverture, participer au cambriolage d'une bijouterie. Il le fait avec professionnalisme, mais aussi avec honte : dans l'ascenseur, il tourne vite le dos à son reflet dans le miroir.
Film noir, film social, et surtout drame psychologique. Durant tout le film, l'ensemble des actions de Nick seront guidées par son amour pour sa famille, ses deux filles en particulier. Nick est emprisonné. L'avocat véreux Howser, qui avait commandité le cambriolage, promet de protéger la famille Bianco : Nick se tait face aux demandes insistantes de l'assistant du District Attorney, D'Angelo (Brian Donlevy). Mais quand il comprend que le truand a laissé tomber sa promesse, Nick change d'avis et décide de collaborer. Toujours dans l'intérêt de ses filles.
Cette famille qui donne une des scènes les plus émouvantes et réussies du film, quand Nick obtient l'autorisation de voir ses filles. Victor Mature, acteur sous-estimé, se révèle vraiment un choix judicieux pour ce personnage, jouant merveilleusement sur les deux tableaux : à la fois le gros dur, le caïd, avec sa carrure impressionnante et son visage marqué, et l'homme bon, tombé dans le crime parce qu'il n'en avait pas vraiment le choix, et tout disposé à mener une vie de famille tout ce qu'il y a de plus normal et juste. Tour à tour inquiétant ou émouvant, il est formidable.
Face à lui, Richard Widmark tient le rôle qui le rendra célèbre, un des meilleurs de sa carrière, un des plus marquants. Il est Tommy Udo, tueur professionnel, personnage terrifiant car on sent qu'il aime tuer. Sûrement drogué, il semble avoir perdu tout sens moral pour s'enfoncer dans une vie où ne règne que la violence. La scène où il pousse dans l'escalier une femme handicapée est une des plus célèbres du film.
Udo est l'exact opposé de Nick : petit blond quand l'autre est grand et brun, il semble ne plus posséder la moindre once d'humanité. L'opposition s'accentue encore dans le traitement des femmes : Nick est amoureux et traite doucement son épouse, quand Tommy insulte sa maîtresse (oui, un tel homme ne se marie pas, il vit dans le péché), la rudoie et l'incite à disparaître.
Le coup de génie de Widmark, c'est son sourire. Un sourire inoubliable, carnassier, terrifiant à lui tout seul.
La réalisation d'Hathaway insiste sur le réalisme : prise de vues en décors naturels, réalisme du scénario et des personnages, le film est assez typique de la production de son époque. Il joue aussi beaucoup sur l'ambiguïté des personnages : finalement, ceux qui sont censés représenter la justice s'arrangent pour contourner celle-ci quand ça les favorise. A y regarder de plus près, les méthodes du procureur D'Angelo ne sont pas si éloignées de celles de l'avocat véreux..
Par un étrange retournement, c'est la prison qui apparaît comme le lieu le plus équitable, le plus juste, et le plus sécurisant. ça en dit long sur la morale de la société.
Le rythme est plutôt lent, ce qui est sûrement le principal défaut d'un film que j'ai trouvé parfois un peu répétitif. Mais c'est devenu au fil du temps un grand classique (ce qui est justifié, ne serait-ce que par l'exceptionnelle qualité de son interprétation), adapté par Barbet Schroeder avec Nicholas Cage, David Caruso et Samuel L. Jackson.

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