Citation

"Ce n'est que lorsque l'homme sera parvenu au terme de la connaissance de toutes choses qu'il pourra se connaître lui-même. Car les choses ne sont que les frontières de l'homme." F. Nietzsche

mercredi 27 juillet 2011

Science et religion

"La science recherche, la religion interprète. La science donne à l'homme une connaissance qui est puissance; la religion donne à l'homme une sagesse qui est contrôle. La science s'occupe surtout de faits; la religion s'occupe surtout de valeurs. Ce ne sont pas deux rivales. Elles sont complémentaires. La science empêche la religion de sombrer dans l'irrationalisme impotent et l'obscurantisme paralysant. La religion retient la science de s'embourber dans le matérialisme suranné et le nihilisme moral."
Martin Luther King Jr
La Force d'aimer

lundi 2 mai 2011

Et la Syrie ?

L'OTAN intervient en Libye. Officiellement, pour protéger les populations locales contre le dirigeant. En réalité, pour aider les rebelles à nous débarrasser d'un cinglé. Et si les rebelles ne peuvent pas le faire eux-mêmes (comme cela semble être le cas : c'est le problème de l'amateurisme), alors on s'occupera de Khadafi personnellement.
Mais la Syrie ? A priori la situation semble identique : un dictateur brutal, dénué de la moindre morale et prêt à exterminer les trois quarts de son peuple pour rester au pouvoir. Et pourtant, personne ne parle d'intervenir là-bas. Pourquoi donc ?
Parce que la situation est, en réalité, beaucoup plus complexe. D'abord par le jeu des alliances locales : le président syrien est soutenu par l'Iran : avant d'intervenir il faut donc s'assurer de la neutralité iranienne (à défaut de sa bienveillance : faut pas rêver). De plus, El-Assad contrôle lui-même des milices du côté du Liban. Il est capable de déclencher une guerre au pays du cèdre et des attaques contre Israel.
Mais il y a encore plus important. Une attaque contre la Libye ne pose pas trop de problèmes internationaux : personne n'aime Khadafi et tout le monde, même (surtout) les dirigeants arabes, sera heureux de s'en débarrasser. Mais des attaques occidentales contre deux pays arabo-musulmans pourraient passer pour de l'acharnement, voire comme une illustration du choc des civilisations. D'autant plus que la Syrie, et la ville de damas en particulier, a une importance capitale dans l'histoire du peuple arabe et de la religion musulmane (elle en a été la capitale, comme en témoigne la Grande Mosquée des Omeyyades, un des joyaux de l'architecture musulmane).
Pour contrer cette impression, il faudrait que l'attaque contre la Syrie soit faite conjointement avec un des grands pays arabes. Or, dans cette hypothèse, la Jordanie tiendra le rôle de la Suisse et l'Egypte a d'autres chats à fouetter actuellement. Il reste l'Arabie Saoudite, dont l'engagement est trop incertain.
Dans un tel contexte, une attaque contre la Syrie paraît donc improbable, voire impossible à soutenir politiquement.

samedi 15 janvier 2011

Rome

"encore près de cinq heures avant la gare de Termini, les églises, le pape et tout le toutim, le Saint-Frusquin romain : bondieuseries et cravates, encensoirs et parapluies, le tout noyé dans les fontaines du Bernin et les automobiles, là où, sur les pavés pourris et le Tibre nauséabond, flottent les Vierges à l'Enfant, les Saints Matthieu, les Piéta, les descentes de croix, les mausolées, les colonnes, les carabiniers, les ministres, les empereurs et le bruit d'une ville ressuscitée mille fois, rongée par la gangrène la beauté et la pluie, qui plus qu'une belle femme évoque un vieil érudit au savoir magnifique qui s'oublie facilement dans son fauteuil, la vie le quitte par tous les moyens, il tremble, tousse, récite les Géorgiques ou une ode d'Horace en se pissant dessus, le centre de Rome se vide de la même façon, plus d'habitants, plus de commerces de bouche, des fringues des fringues et des fringues à en perdre la tête des milliards de chemises des centaines de milliards d'escarpins des millions de cravates d'écharpes assez pour recouvrir Saint-Pierre, pour faire le tour du Colisée, pour tout enfouir sous les nippes à jamais, et laisser chiner les touristes dans cette immense friperie religieuse ou brilleraient les regards avides de découvertes"
Zone, Mathias Enard, chapitre 2, page 23

Zone


8 décembre.


Un homme prend le train à Milan en direction de Rome. Il porte une valise qu'il attache au porte-bagage à l'aide d'une paire de menottes.


On va découvrir, au fil du roman, qu'il s'agit d'un agent secret. Il se donne une identité, Yvan Deroy, qu'il révèle être fausse : c'est le nom d'un dangereux malade mental. Son vrai nom, il faudra attendre plus de 200 pages pour le connaître : Francis Servain Mirkovic. Il est fils d'un oustachi, d'un combattant croate qui a émigré en France. Fasciné par l'idéologie d'extrême droite paramilitaire, il s'engagera dans la guerre civile yougoslave où, la peur au ventre, il tuera du serbe avec, parfois, une rage bestiale.


Etant agent de renseignement, il travaillera dans sa Zone, le pourtour méditerranéen, en commençant par l'Algérie déchirée par la guerre civile. Puis l'Egypte, le Moyen-Orient, etc. Il rencontrera d'anciens nazis réfugiés dans des pays arabes, récoltera des informations sur des criminels de guerre, des massacres, des camps de concentrations, des corps d'opposants politiques torturés et disparus, etc.


C'est comme si la Zone était marquée par la violence. Marquée par la guerre, depuis Troie. Comme si les humains étaient toujours poursuivis par la colère divine. Athéna, Zeus et Poséidon continuent à se déchaîner sur les hommes.


Formidable roman, très bien écrit, sombre, lucide, intelligent et très bien documenté. Il nécessite un petit effort de lecture, mais c'est passionnant.